LA DIARRHEE AIGUE CHEZ LE CHIEN
Une diarrhée aigüe est définie par l’émission de selles trop liquides et/ou trop fréquentes, évoluant depuis moins de 15 jours. Il s’agit d’un motif de consultation fréquent impliquant un large éventail de causes.
Le tube digestif est composé :
– de la bouche et de l’œsophage,
– de l’estomac,
– de l’intestin grêle, divisé en trois parties : le jéjunum, le duodénum et l’iléon. Il mesure environ 6 fois la longueur du chien (soit plus de 3 mètres),
– du gros intestin ou côlon.
Le transit intestinal chez le chien est relativement court, de 18 à 24 heures. Rapidement broyés et imprégnés de salive dans la bouche, les aliments descendent le long de l’œsophage jusqu’à l’estomac. À cet endroit, ils sont malaxés et la digestion chimique commence grâce au suc gastrique. Les particules plus petites passent alors dans l’intestin grêle : la digestion mécanique continue en les mélangeant aux enzymes digestives. Ces enzymes viennent du pancréas exocrine, du foie par l’intermédiaire de la bile et du suc intestinal sécrété directement par les cellules de l’intestin grêle. Ces enzymes « coupent » les grosses molécules de lipides, d’amidon, de protéines en nutriments qui sont absorbés par les cellules du tube digestif.
Les aliments et les sécrétions du tube digestif apportent donc de l’eau au système digestif. Cette eau est réabsorbée en grande partie par l’intestin grêle puis par le colon qui complète la réabsorption. Le colon est considéré comme un frein qui ralentit le transit et conditionne l’hydratation finale des selles. Il permet de tamponner un éventuel excès d’eau dans le colon.
Lorsque les apports hydriques sont supérieurs à la capacité de réabsorption de l’intestin grêle, se déclare une diarrhée dite « du grêle ». Une colite est une diarrhée secondaire à une défaillance des mécanismes de récupération d’eau au niveau du côlon.
Les mécanismes physiologiques de la diarrhée
De nombreux phénomènes peuvent être à l’origine de l’apparition de diarrhées en augmentant le volume d’eau à l’intérieur du tube digestif.
Une diarrhée peut-être le fait de la présence d’une trop grande quantité de substance osmotiquement active dans la lumière de l’intestin : elle crée un appel d’eau vers le tube digestif. Il s’agit de tout aliment mal digéré, comme par exemple le lactose chez les animaux sevrés, ou certains ions (diarrhée osmotique).
Un certain nombre de toxines bactériennes perturbe les mécanismes de sécrétions des cellules intestinales : les cellules intestinales sécrètent davantage de liquide (eau+minéraux), ce qui provoque une diarrhée par hypersécrétion. L’organisme perd alors beaucoup d’eau et de minéraux.
Les cellules intestinales perdent également leur perméabilité lorsqu’elles sont très enflammées ou lorsqu’il existe des troubles ou des obstacles de la circulation sanguine ou lymphatique au niveau du tube digestif : on parle alors de diarrhées exsudatives.
La multiplication des virus ou des bactéries pathogènes au niveau du tube digestif provoque la destruction des cellules intestinales qui sont alors incapables de réabsorber l’eau contenue à l’intérieur : il s’agit alors de diarrhées par hypo-absorption.
Les troubles de la motricité intestinale (ralentissement ou accélération) provoquent également des diarrhées ; ils peuvent être par exemple la conséquence d’un stress.
Les agents à l’origine de diarrhées aiguës
Les virus, les bactéries, les parasites, les erreurs alimentaires, les allergies, les toxiques, les phénomènes tumoraux peuvent entraîner des diarrhées chez le chien.
– Un certain nombre de virus ont un tropisme particulier pour le tube digestif (parvovirus, coronavirus) ou plus globalement pour l’appareil digestif complet incluant le foie (virus de Carré, virus de l’Hépatite de Rubarth) et engendrent des diarrhées aiguës. Il s’agit de maladies très graves.
Le tube digestif, intestin grêle et gros intestin, contiennent un certain nombre de bactéries bénéfiques qui apportent un effet de barrière contre la colonisation par les « mauvaises bactéries », assurent une bonne motricité de l’intestin et apportent au tube digestif un milieu favorable à la digestion des substrats résiduels. Les bactéries pathogènes ont la particularité de s’attacher aux cellules de l’intestin et de sécréter des toxines. Elles détruisent donc la muqueuse intestinale, ce qui diminue l’absorption de l’eau et des nutriments, de plus leurs toxines engendrent des phénomènes d’hypersécrétion : E. Coli, Clostridium perfringens, Staphylococcus aureus, Yersiania, Salmonelles, Campylobacter, Leptospires…
– Les vers digestifs : les ascaris, les ankylostomes, les trichures ou les giardia sont des parasites responsables de diarrhées. Celles-ci peuvent être très graves chez le chiot. Chez l’adulte, les manifestations parasitaires sont davantage chroniques.
– Certaines gastro-entérites sont le fait d’erreurs alimentaires, d’une allergie alimentaire ou d’une intolérance digestive à un composant de la ration.
L’excès de fermentation glucidique dans le colon lié à une ration riche en amidon mal cuit diminue l’absorption au niveau intestinal et perturbe la motricité, à l’origine de matières fécales volumineuses, humides, aigrelettes, associées à des flatulences.
L’excès de protéines (en particulier des protéines de faible valeur biologique comme le collagène ou l’élastine présents en grande quantité dans les aliments de grande surface) provoque une putréfaction au niveau du côlon à l’origine de phénomène irritant entraînant des matières fécales foncées et très nauséabondes.
Toute erreur alimentaire (restes de table inappropriés, chien qui fait les poubelles, toxiques, plantes) ou modification trop brusque du régime alimentaire peut perturber les sécrétions enzymatiques et le transit digestif, entrainant une diarrhée.
– Les tumeurs digestives provoquent des diarrhées ; l’évolution en sera chronique jusqu’à en avoir identifié la présence.
– Le stress provoque des modifications de la vitesse du transit digestif et des modifications des sécrétions digestives qui peuvent être à l’origine de diarrhées.
Symptômes
On distingue classiquement les diarrhées provenant de l’intestin grêle des diarrhées provenant du côlon car les symptômes sont très différents.
Les manifestations de diarrhées sont associées à différents symptômes en fonction de leur origine : atteinte de l’état général, apathie, anorexie, vomissements, fièvre, déshydratation…
Diagnostic
Le diagnostic clinique d’une diarrhée est aisé. Il prend en compte l’historique de la diarrhée, son aspect, sa fréquence, son évolution, les éléments extérieurs pouvant expliquer son apparition (modification de l’alimentation, contact avec des animaux malades, modification de l’environnement, vaccination à jour, vermifugation…).
La recherche de l’agent causal est parfois plus délicate. Certains examens complémentaires peuvent être nécessaires. La coproculture met en évidence des parasites ou leurs œufs et la présence de bactéries pathogènes. Des tests sanguins sont parfois nécessaires pour identifier un virus (PCR, sérologie). Si l’animal est très faible, un bilan hématologique et biochimique permet d’adapter le traitement. Des examens de laboratoire avec une évaluation du syndrome de maldigestion/malasbsorption sont préconisés si les symptômes persistent (TLI, B12, Folates).
Pronostic
Le pronostic d’un épisode diarrhéique dépend de l’âge de l’animal, de son statut immunitaire, de la cause identifiée, de la sévérité des symptômes et de l’atteinte de l’état général.
La diarrhée est à redouter particulièrement chez le chiot : il va se déshydrater très rapidement, ce qui mettra en jeu son pronostic vital. Chez le chiot également, une diarrhée qui se prolonge dans le temps sera néfaste pour sa croissance.
Chez le chien qui souffre par ailleurs d’une autre affection comme une insuffisance rénale ou une insuffisance cardiaque ou qui prend des anti-inflammatoires pour un traitement de l’arthrose par exemple, une diarrhée doit pousser rapidement à consulter le vétérinaire car la déshydratation qu’elle entraîne peut avoir une incidence grave sur ses organes déjà affaiblis (rein, cœur).
Traitement
Le traitement d’une diarrhée a trois objectifs :
– traiter la cause si elle est identifiable et identifiée,
– soutenir l’organisme lors d’atteinte de l’état général,
– traiter de façon symptomatique les lésions de l’intestin.
Mesures diététiques
Une diète de 24 heures est souvent une mesure permettant de diminuer l’inflammation au niveau du tube digestif. La réhydratation de l’animal peut se faire par voie orale en l’absence de vomissement ou par voie intraveineuse en hospitalisation le cas échéant : c’est un élément primordial du traitement.
On réalimente ensuite progressivement l’animal par des apports fractionnés et une nourriture mixée pour faciliter la digestion. Dans les cas graves, il convient d’éliminer les dérivés du lait pendant 10 jours. On utilise pour cette alimentation des rations très concentrées et très digestibles (viande maigre cuite et riz très cuit). Certains aliments industriels diététiques sont adaptés à ces troubles gastro-intestinaux.
Traitement de l’agent causal
L’administration d’antibiotiques n’est pas systématique lors de diarrhées. Lorsqu’elle est nécessaire, elle vise à détruire les bactéries pathogènes ou présentes en trop grande quantité dans le tube digestif ou à lutter contre la septicémie dans les infections virales.
Actuellement, il existe un traitement spécifique contre une gastro-entérite virale qui est la parvovirose. Le principal frein à sa prescription en est son coût.
Lors de diarrhée parasitaire, la vermifugation est indiquée : la molécule utilisée et le temps de traitement seront adaptés au parasite identifié.
Pour les intolérances alimentaires, on prévoit des régimes d’éviction : on réalimente le chien avec des sources de nutriments qu’il n’a jamais eu l’occasion de manger (viande de cheval, capelan, lentilles par exemple) et on réintroduit plus tard et progressivement les aliments traditionnels pour identifier l’aliment en cause. Des aliments industriels diététiques vétérinaires peuvent être également proposés à cette fin. Différentes compositions existent, adaptables à chaque cas.
Mesures symptomatiques
Les modificateurs de la motricité digestive (spasmolytiques) visent à diminuer le risque de déshydratation. Ils sont accompagnés de produits ayant un effet couvrant et protecteur de la muqueuse digestive. On peut également utiliser des absorbants (charbon). Ces mesures symptomatiques aident la reconstruction de la muqueuse digestive et limitent la déshydratation.
Les anti-inflammatoires permettent de réduire les lésions intestinales et de juguler la fièvre.
Les probiotiques participent à l’amélioration de l’équilibre de la flore digestive : ils stimulent le système immunitaire et aident à la digestion des fibres.
Prévention
Il existe des vaccins contre les entérites virales (Parvovirose, maladie de Carré, Hépatite de Rubarth) et contre la leptospirose. Ce sont des vaccins essentiels chez le chien, et encore plus chez le jeune, pour qui ces maladies sont rapidement fatales.
La vermifugation régulière du chiot (tous les mois) et de l’adulte (4 fois par an) est une mesure indispensable.
Une alimentation de qualité, équilibrée, régulière évite l’apparition de diarrhées.
Les épisodes diarrhéiques peuvent se résoudre très rapidement si les mesures thérapeutiques sont mises en œuvre correctement.
Ils peuvent a contrario se révéler très problématiques et mettre en jeu la vie de l’animal pour certains agents et particulièrement chez le jeune.
Chez le chiot, il ne faut pas attendre plus de 24h après l’apparition d’une diarrhée profuse pour consulter votre vétérinaire.